
Critique de Nayla, « Les notes rouges » de Nadia NAKHLE
« Les notes rouges », entre sublime et innommable
De quoi ça parle ?
Deux orphelins pendant la Seconde Guerre Mondiale. Quand Dorian s’exprime par la poésie, Anna retranscrit ses sentiments par la musique. Un jour, Dorian est emmené par des policiers. Anna perd alors sa trace mais garde en elle la ferme conviction, que son frère est toujours là vivant, et qu’elle va le retrouver. Elle lui envoie des lettres, à destination de leur « île » secrète. De retour dans sa ville natale, lieu d’une enfance brisée, elle est persuadée qu’il viendra écouter l’interprétation de sa composition : Les notes rouges.
Pourquoi lire ce livre ?
Peut-on représenter le sublime en parlant de la guerre ?
Cette lecture a été pour moi une parenthèse, un moment hors du temps. J’avais entre mes mains un chef d’œuvre, tant par la beauté des illustrations, que par la richesse de l’intrigue. J’ai été subjuguée par la façon dont l’autrice est parvenue à mêler le sublime et l’innommable, délicatesse des visages et horreur de la guerre ; la beauté d’une poésie et la violence des injures.
Malgré la douceur des dessins, le trait de Nadia Nakhlé change lorsqu’il s’agit de représenter la guerre : les couleurs deviennent plus sombres, les mots plus durs, et la fluidité des visages devient plus rigides, comme fait de bois. Même dans le dessin, la guerre réifie.
Une lecture musicale
La structure du livre en elle-même m’a beaucoup plu. Les divisions de chapitres, du « prélude », à l’ « ouverture » en passant par la « marche », nous immergent directement dans l’univers musical. Tout est mis en œuvre de sorte à ce que l’on ressente le rythme, la pulsation, et j’avais parfois l’impression d’entendre le morceau.
Comme dans Après la rafle, l’intrigue principale est entrecoupée par des retours en arrière : le retour en Pologne d’Anna fait ressurgir de nombreux souvenirs. Comme si la musique du livre était ponctuée de soupirs, de pauses. Pendant ce temps le lecteur se questionne : qu’est-devenu Dorian ? Est-il encore vivant ? Anna ne se berce-t-elle pas d’illusions ? Je me rappelle de l’appréhension que je ressentais en lisant.
La musique comme moyen de libération
J’ai aimé la façon dont la musique était libératrice pour Anna. Comment, même cachée dans le grenier, elle parvenait à visualiser les touches du piano pour s’échapper de la dure réalité. Comme elle écrit page 100, dans une de ses lettres : « Je trouve refuge dans mes partitions, mes seules racines. La musique sera ma vie ».
« Chaque nuit, je cherche un chemin dans les méandres de ma mémoire ».
Les Notes rouges est un roman graphique que l’on m’a conseillé : les plus belles découvertes sont celles que l’on partage !